En sortant du salon Learning technologies cuvée 2019, je me suis demandé ce que ce salon disait de nous, professionnels de la formation, et des enjeux qui sont les nôtres...
L’ancrage mémoriel, la gamification et l’optimisation du coefficient d’attention sont nos nouveaux mottos. Le digital a mis le client au cœur des réflexions outils et les solutions proposées sont en miroir des usages digitaux en vogue.
Rien d’étonnant donc d’assister à l’explosion des acteurs de la vidéo apprenante.
La technologie est mature, et les derniers développements permettent d’offrir une expérience toujours plus fluide, plus interactive avec des solutions simples et peu coûteuses.
De la même façon, le Mobile Learning s’est installé dans les usages, comme un compagnon de route permettant d’apprendre n’importe où et n’importe quand avec des formats courts et gamifiés. Design, jeux, univers graphique, tout est fait pour que l’apprenant ne s’ennuie pas, pour qu’il ne se rende pas compte qu’il est en train d’apprendre. L’apprenant est vu comme un client volatile qu’il faut capter. S’intégrer à son environnement familier, à cette extension de lui qu’est devenu son smartphone, pour créer l’opportunité que son cerveau puisse être stimulé en permanence et intégrer de nouvelles connaissances.
Voilà pour le contenant. Et le contenu ?
On constate que beaucoup de ces solutions sont utilisées pour l’acquisition de connaissances simples linguistiques ou produits par exemple, car les connaissances complexes se marient moins bien avec ce type de format dans l’état actuel des choses. Paradoxalement, le management a aussi la part belle sur ce type d’outils, alors que la compétence managériale est, tout le monde en conviendra, une compétence complexe.
Les outils managériaux sont simples, la compétence non. Et c’est là qu’est l’ornière
dans laquelle chacun risque de tomber : la facilité. Croire qu’une compétence peut s’acquérir mécaniquement par une simple optimisation de l’acquisition de connaissance.
Or, on sait depuis longtemps qu’une compétence se développe seulement pour 10% par l’acquisition de connaissance, et pour 70% par l’application en situation de
travail, les 20% restants étant le fruit des échanges. Mobile Learning ou vidéo, aussi fluides et ergonomiques soient-ils, sont donc loin d’être des solutions de développement de compétence « clé en main » ; mais, si elles sont choisies dès l’amont d’une réflexion,
pour aider et soutenir l’action terrain, elles peuvent devenir alors des outils précieux pour aller au-delà de la simple connaissance et tutorer l’évolution des postures et compétences.
Mais existe-t-il des solutions dédiées à la formation en situation de travail ?
On connaît depuis longtemps des solutions robustes : les simulateurs. Toujours plus sophistiqués, recréant au plus près les conditions du réel et de l’environnement de travail, ils offrent aux individus un cadre sécurisé donnant le droit à l’erreur. Par ailleurs, utilisés régulièrement, ils favorisent une automatisation des gestes et donc une optimisation de la concentration et de la capacité d’action dans des cas de stress intense. Ces techniques sont très utilisées dans les domaines aéronautiques, militaires et médicaux.
Aujourd’hui, la réalité virtuelle et les serious games intégrant cette technologie rendent accessible au grand public ces expériences simulées. Et, même si les cas d’usage restent aujourd’hui encore marginaux, encore vus comme une vitrine, c’est sans doute ce domaine qui offre les plus belles perspectives. À l’heure où le bouleversement des métiers, le besoin de s’adapter à de nouveaux environnements de travail va en grandissant, disposer d’un espace (virtuel ou non) pour apprendre en sécurité ne sera plus un luxe mais une nécessité.
Un des enjeux-clés des professionnels de la formation est de développer une pédagogie de la compétence.
Faire accepter l’idée que développer des compétences est un processus complexe, une course de fond dans laquelle les organisations doivent s’engager concrètement. Il ne s’agit plus de chercher la solution miracle, mais bien de penser en amont des systèmes apprenants, d’en co-construire le design avec le terrain, de mailler des solutions, et de prendre la mesure du nécessaire besoin d’accompagnement humain associé, car faire d’une connaissance une compétence maîtrisée demande du temps, de la pugnacité, de la résilience et du courage à l’apprenant.
La formation ne peut plus se contenter d’être vue simplement comme une fonction connexe, décorrélée du business, elle doit s’imposer comme un système transverse au service des transformations.
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