La #transformation est sur toutes les lèvres. Digitale, managériale, entrepreneuriale, énergétique... nous vivons un moment charnière. En tant que co-fondateur et dirigeant de Balthazar, qui accompagne les entreprises dans leurs transformations, je refuse les discours anxiogènes et les scénarios catastrophes et préfère adopter un optimisme renseigné, orienté vers l’action. Et identifier les leviers d’action, pour que la transformation soit positive. En introduisant les notions de raisons d’être et « sociétés à mission » la loi PACTE marque un changement de paradigme salutaire.
« Changement de paradigme », rien que ça. Au risque de faire fuir les intello-allergiques, il se trouve que ces mots sont à la hauteur de la mutation qui s’opère en ce moment dans le monde des entreprises et dans le monde tout court.
En France, la loi PACTE - en est le contexte significatif : elle permet, entre autres, aux entreprises de formuler un objet social spécifique, en intégrant à leurs statuts leur raison d’être et leurs engagements sociétaux. Une nécessité qui me semble évidente depuis de longues années, qui est même la raison d’être de Balthazar. Explications.
Le sens de la transformation
Avec ce nouveau statut, le législateur abandonne une certaine vision de l’entreprise reposant sur l’idée reçue qu’une entreprise qui veut faire de l’argent peut difficilement en même temps se soucier du bien être et de la planète. L’entreprise existe pour générer du profit, c’est là son objectif premier. Ce n’est qu’ensuite qu’elle peut éventuellement se préoccuper des autres, en s’engageant pour différentes causes, en se lançant dans le charity business par le biais d’une fondation ou en donnant de son argent pour venir réparer d’éventuelles externalités négatives directes ou indirectes de son activité. Il était grand temps que cela change. Il y a en effet beaucoup plus pertinent que ce système réparateur à deux-temps-deux étages : un système qui intègre dès la création de l’entreprise le souci du bien commun à son modèle économique. L’entreprise peut tout mettre en oeuvre pour générer du profit et “en même temps” - clin d’œil présidentiel - penser son utilité, son impact et son apport à la société.
Formuler sa raison d’être, c’est se poser la question du pourquoi et de ce que l’entreprise apporte au monde ; c’est une promesse aux générations présentes et futures. En bref, c’est une étape indispensable pour donner un sens aux transformations que l’on engage.
Plus d’excuses : avoir des valeurs, ça rapporte Plus encore qu’un bon sens ou qu’un impératif moral, le fait de porter haut et fort ses valeurs est aussi un choix stratégique : il s’avère que les entreprises animées par une mission la conjuguent parfaitement bien avec le fait d’engranger des bénéfices. La nouvelle équation des entreprises n’est donc plus mission vs. profit mais plutôt mission ET profit, voire mission DONC profit. Les purpose driven companies sont plus profitables, c’est désormais vérifié. On le constate directement en se plaçant à l’échelle du consommateur ou du client : la tendance de fond, transverse à tous les domaines d’activités, est celle du consommateur engagé pour qui l’acte d’achat est conditionné par les valeurs portées par les marques.
Bannissez le mot «boîte»
Derrière l’importance accordée à la mission de l’entreprise se cache une compréhension de l’entreprise non plus comme un système à optimiser mais comme un organisme vivant au sein d’un milieu social, écologique, économique et culturel mouvant. À ce titre, il me semble tristement révélateur d’entendre si souvent le mot “boîte” au lieu d’entreprise. Une boîte est un objet inanimé, un contenant pour éléments divers, dépendants du bon vouloir des propriétaires. Il est impossible aujourd’hui d’adopter une vision aussi limitée et qui plus est intrinsèquement erronée. La théorie systémique de l’entreprise en revanche donne tout son sens à ce que préfigure le lexique juridique : une entreprise est une personne morale. Ce qui implique qu’elle possède un ADN, une singularité.
Tout comme un individu, une entreprise n’est rarement mue que par l’appât du gain, ce serait réducteur.
Elle s’intéresse à une multitude d’aspects et tisse des relations complexes. En définissant
sa mission, l’entreprise se construit de façon plus pérenne et plus solide. Elle crée un lien qui a un sens pour les personnes physiques qui la composent, associés, collaborateurs, bien au-delà de simples objectifs financiers.
L'entreprise sauvera le monde !
Si le monde va mal, et c’est vrai qu’il y a de quoi ne pas être tout à fait serein tous les matins, il me semble d’autant plus important que les entreprises, elles, soient en bonne santé. Les solutions de sortie de crises requièrent de l’argent, que cela soit pour financer des recherches ou des mesures directement applicables. L’Etat, la société civile, les individus, chacun a son rôle à jouer. Celui des entreprises est de créer la richesse nécessaire pour que le monde puisse résoudre ses problèmes, ou en d’autres termes, installer un dynamisme créateur indispensable pour être à la hauteur des enjeux auxquels nous faisons face. Prendre conscience des urgences. Favoriser les externalités positives. Agir différemment, en dirigeants responsables. “Le contexte est plus fort que le concept” lançait MC Solaar. La réalité nous rattrape et nous oblige à faire évoluer notre concept d’entreprise : la loi évolue dans le bon sens. Elle donne un coup de boost aux entreprises qui en tant qu’entreprises à mission sont un levier extraordinaire pour agir sur le monde. Je ne dis pas que ce sera simple, bien au contraire. Il faudra du courage aux dirigeants, pour désamorcer les résistances et pour remettre à plat la raison d’être de leur entreprise.
Par Jean-Noël FELLI.
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