À l’heure où les entreprises doivent faire face à une multitude de transformations complexes à mettre en œuvre, des attentes fortes de la société(1) et une recherche de sens des collaborateurs, mobiliser l’intelligence collective de ses équipes s’impose comme une démarche vitale.
Sortir de l’incantation de l’intelligence collective
Un projet de changement vise à optimiser des processus internes à l’entreprise, mais rarement à en transformer la culture. C’est la distinction que G. Bateson explicite en définissant les changements de type 1 et type 2(4). Prenons l’exemple d’un projet de refonte de CRM : en réunifiant la data dispersée dans différents services de l’entreprise et en faisant converger les outils technologiques, l’organisation accroît sa performance mais ne modifie pas sa structure : elle renforce son modèle existant. Mettre en place un dispositif d’intelligence collective à ce propos peut s’avérer démesuré voire contre-productif. La transformation s’opère, elle, à la racine et touche à une dimension humaine et culturelle : pour faire basculer l’entreprise dans un autre mode de décision, d’organisation et de fonctionnement, il faut faire basculer les personnes, les postures et les mentalités. C’est là où l’intelligence collective se révèle être une méthode pertinente. À l’image d’un organisme vivant où ce sont par les cellules que les mutations surviennent et se diffusent aux organes, c’est par les individus qu’une transformation peut prendre corps et voir le jour.
Le « Freedom Framework » ou comment mobiliser l’intelligence collective
L’intelligence collective ne se résume ni aux pratiques collaboratives d’animation d’ateliers, ni aux méthodes « lean » mais elle repose sur la constitution de ce que j’ai appelé le Freedom Framework, une méthodologie qui permet de construire ensemble l’avenir de l’entreprise. Ce dispositif s’appuie sur une large démarche de co-construction qui implique l’ensemble des collaborateurs.
Le Freedom Framework, c’est un cadre méthodologique qui pose les conditions nécessaires au bon déroulement d’une démarche de co-construction à l’échelle d’un groupe constitué parfois de milliers d’employés. Mobiliser l’intelligence collective de ses équipes, ce n’est pas simplement créer un espace d’expression, c’est permettre à chacun de contribuer à la constitution d’un objet commun au mieux de ses expériences et de ses expertises. Pour que cette démarche soit opérante, il est nécessaire de partager un cadre clair en amont. Les leaders doivent ainsi expliciter leurs objectifs vis-à-vis de la démarche. Le deuxième élément fondamental pour organiser cette gouvernance partagée est de donner les moyens nécessaires au groupe de collaborateurs mandatés à ce sujet. Dans un tel cadre, les collaborateurs peuvent réfléchir sur le fond des sujets, structurer des propositions, remettre en question des choix ou des processus en formulant d’autres alternatives et, in fine, s’approprier le projet de l’entreprise. Un des plus forts bénéfices de cette méthode de prise de décision est de sortir de l’impasse de la pure expertise, domaine réservé à quelques exceptions, pour justement mobiliser la force de l’intelligence collective via la création d’expériences aboutissant à des résultats nouveaux.
Freedom framework
C’est, par ailleurs, un levier de motivation sans égal pour les personnes qui contribuent. Par exemple, faire collaborer 50 collabo- rateurs au plus proche du terrain dans les bonnes conditions durant une journée sur un problème concernant leur métier permettra en un temps court de mettre le doigt sur les vraies difficultés et la manière de les résoudre plutôt que de mener une analyse longue et souvent trop peu soumise à controverse car il y a bien des sujets à traiter. Enfin, pour éviter que ce temps de libre construction ne se réduise pas juste à un simple espace d’expression et de consultation, il est crucial que la direction générale s’engage et fasse un retour sur ses choix en laissant l’opportunité aux collaborateurs mobilisés de réagir pour s’assurer de la cohérence de la prise de décision par rapport au temps de co- construction. C’est ce regard en miroir qui permet d’unifier le collectif et de créer une valeur nouvelle pour l’organisation.
L’intelligence collective, une méthode de gouvernance partagée Comment écrit-on ensemble un projet d’entreprise en laissant aux collaborateurs la liberté d’être acteurs du réseau en ne perdant pas de vue la vision stratégique de l’entreprise ? Autrement dit, comment mobiliser l’intelligence collective et en faire un outil efficace de gouvernance partagée ? Concrètement, il s’agit de mettre en place un réseau composé de collaborateurs issus de tous les services et de tous les niveaux hiérarchiques (métiers et fonctions). Ce réseau est chargé de faire exprimer la voix des collaborateurs au travers d’événements, de rencontres et d’animations digitales qualifiées et spécifiques. L’ensemble des contributions est traité à l’échelle de toute l’entreprise et enrichi des points de vue de chacun. Le résultat de ces travaux fournit la matière nécessaire à une prise de décision éclairée pour opérer les choix stratégiques. Si ce réseau doit reposer sur un nombre clé de personnes afin d’être activable, il doit être suffisamment ouvert pour permettre ensuite la diffusion, la contribution de chacun puis l’appropriation d’une nouvelle culture d’entreprise. Nos retours d’expérience chez Balthazar Agency nous ont confirmé qu’il faut passer la barre des 10% dont parle J. Kotter(5) pour que cette transformation prenne corps dans l’ensemble de l’organisation et accélérer la dynamique de changement.
Au-delà, c’est la manière dont les membres de ce réseau incarnent le cadre de référence, le Freedom Framework mis en place, et mobilisent des ressources en interne qui importe. Rendre les collaborateurs acteurs des projets de transformation leur permettra de comprendre et d’adhérer à une vision de l’entreprise construite en commun. Balthazar Agency a pour rôle de faciliter cet empowerment, permettant de formuler des axes de travail plus pertinents et une motivation accrue de chacun.
L'intelligence collective, une clé pour la performance durable de l’entreprise dans un univers radicalement mouvant.
Sur ce sujet clé de l’intelligence collective, le chemin à parcourir reste entier pour nombre d’entreprises. S’emparer de ce sujet n’est pas simple pour les dirigeants car on ne parle pas ici d’une simple évolution organisationnelle et managériale qui s’appuierait sur la mise en place d’outils dits agiles comme le design thinking, mais d’un changement de paradigme. Adopter une démarche d’intelligence collective lorsque c’est pertinent permet aux entreprises d’aller vite et de partager le sens de leur action en associant étroitement leurs parties prenantes, en premier lieu leurs collaborateurs, dans leur développement en constituant ainsi un véritable écosystème. À la méthode dite de ruissellement par le haut, faisant du Comex la seule source du management des organisations, va se substituer progressivement un autre modèle. En s’ouvrant à l’intelligence collective, à la capacité créative de leurs équipes, les directions d’entreprise tracent un chemin nécessaire à leur survie dans un monde économique où la performance et la valeur naissent plus que jamais de l’engagement des collaborateurs et de l’autonomie.
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