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Sébastien HEBERT et Grégory DUBOIS

L'interview de Pascal Mahé - Ex-capitaine de l'équipe de France de Handball

Pascal a été le capitaine de l’équipe de France de Handball, championne du monde en 1995.

Après de nombreuses années au plus haut niveau et 15 ans de coaching entre la France et l’Allemagne, Pascal a saisi l’opportunité de revenir dans sa Normandie natale pour s’investir dans la formation des jeunes « vikings » du Caen handball. Pascal partage également son expérience avec les entreprises. Apprendre à tomber et se relever, donner le meilleur de soi-même pour ses coéquipiers, transmettre et partager pour durer, autant de points qui constituent de véritables leviers de management.


Pascal, tu as été le capitaine d’une équipe de France championne du monde en 1995. Quels ont été les ingrédients majeurs de ce succès, qui part de très loin ?

Oui de très loin ! En 1985, nous étions classés 20ième nation au handball. En 1995, nous sommes n°1. Nous sommes partis de rien. Selon moi, les ingrédients de ce succès ont été :

  • Se fixer des objectifs clairs et partagés par tous: on décide ensemble, qu’il s’agisse d’une Fédération, des clubs, des joueurs, etc. de s’investir dans une mission pas impossible et de se mettre au travail. Ce sont des heures passées sur les terrains, des souffrances, des plaisirs qui vont graduellement marquer le fonctionnement de l’équipe de France pour qu’un jour l’objectif soit atteint.

  • S’investir… tous dans le projet. Nous avions tous des caractères et des modes de fonctionnement différents. Nous avons dû dépasser nos egos pour que l’intérêt collectif soit plus fort que l’intérêt individuel. Cela ne s’est pas fait sans de grosses prises de bec ! Mais nous nous sommes rendu compte que l’unité pouvait renverser des montagnes. Si l’on ne comprend pas pourquoi on est ensemble, il n’y aucun moyen que ça ne marche.

  • Verbaliser, parler vrai, se dire les choses : Pour dépasser nos intérêts personnels, nous avons ritualisé des moments d’échange où nous nous disions tout. Ça pouvait parfois faire mal, mais c’était indispensable pour aller de l’avant. C’est bien d’écouter, mais c’est encore mieux d’entendre.

En 1995, à l’occasion justement des Championnats du monde qui se tenaient en Islande à Reykjavik, on s’est enfermé dans une pièce, après un 1er tour catastrophique, pour se dire les choses essentielles. Nous avons provoqué cette réunion juste avant le 1/8ème de finale « couperet » pour que chacun exprime ce qu’il avait sur le cœur, et le groupe a pris conscience de l’urgence du moment et de ce qu’il fallait changer individuellement pour être plus fort collectivement. J’ai alors réalisé l’importance de la communication directe et franche qui a permis de purger un certain nombre de non-dits qui empêchaient toute forme d’unité. Avant cette réunion, c’était forcément la faute de l’autre si ça ne marchait pas ! Après cette réunion, on est devenu une équipe où tout le monde était responsable du résultat. Une fois sortis de cette pièce, on était persuadés que l’on pouvait aller au bout… Et c’est ce qu’on a fait !


Après ce 1er succès, les équipes de France (masculines et féminines) ont continué à performer pendant plus de 20 ans… jusqu’à être en finale des #JO en 2016 et remporter le titre mondial en même temps en 2017. Quelles sont les clés de cette performance durable selon toi ?

C’est vrai que l’on est très fiers de voir notre sport depuis 20-25 ans sur le toit du monde. On est presque toujours sur un podium ou champions ! Pour inscrire cette performance dans le temps, il faut mettre en place des moyens pour former les plus jeunes. Mais il faut surtout institutionnaliser et garantir la transmission d’expérience entre les générations. Au sein de l’équipe de France, chaque nouveau joueur se voit attribuer un « parrain » au sein de l’équipe qui va l’aider à grandir et l’accompagner dans sa prise de poste afin qu’il donne le meilleur de lui pour le collectif. Je vous donne un exemple : Nicolas Karabatic, parrainé par Jackson Richardson lors de son arrivée en 2002 à l’âge de 19 ans en équipe de France, a lui même était le parrain de nombreux joueurs de l’équipe de France qui sont aujourd’hui médaillés d’or aux Championnats du monde de 2017.


Ton fils Kentin a suivi ta voie. Il est double champion du monde 2015 et 2017 et médaillé olympique avec l’équipe de France en 2016. Qu’est-ce que ça représente pour toi ? Quels sont les rituels mis en place aujourd’hui ?

Quand Kentin arrive en équipe de France, il possède des qualités qui lui sont propres. Mais quand on arrive en équipe de France, il y a des règles et des temps à respecter. Les jeunes aujourd’hui savent quand ils arrivent comment cela fonctionne. On parle de « parcours » en équipe de France. Chaque jeune joueur intégré va passer une phase sans jouer la moindre minute, puis va commencer à avoir un peu de temps de jeu au soutien d’un cadre, puis va progressivement devenir un cadre lui-même si tout va bien et transmettra à son tour les valeurs et les rites de l’Institution Equipe de France. Par exemple, quand Kentin a indiqué dans une interview qu’il était prêt à assumer des responsabilités, le coach Claude Onesta lui a rappelé que ce n’était pas encore le moment, que s’il n’attendait pas, il allait se brûler les ailes et que cela serait non seulement dommageable pour sa carrière mais également et surtout pour le collectif. En équipe de France, on ne met pas en avant une personnalité qui va attirer la lumière, et surtout pas trop tôt. C’est aussi une manière de respecter les anciens. À mon époque, la cocotte-minute explosait car des egos voulaient tirer la lumière à eux. Cela ne s’est pas fait sans une certaine forme de violence au début entre les joueurs. C’était comme ça chez les Barjots ! Aujourd’hui, c’est beaucoup plus cadré et ces rituels dont j’ai parlé permettent à chacun de connaître précisément ses rôles et responsabilités, tout en sachant que ça évoluera dans le temps.


Daniel Costantini, Claude Onesta, Olivier Krumbholtz : trois coachs emblématiques du hand français. Selon toi, qu’est ce qui réunit ces figures qui ont tous gagné au moins 2 titres internationaux ?

Trois personnalités très fortes qui ont au moins une chose en commun : la passion. Ça les anime au quotidien… et donc ça anime aussi les collectifs qu’ils dirigent. En 1985, Daniel Costantini avait dit haut et fort que dans 10 ans, la France deviendrait championne du monde. Tout le monde avait envie de le croire tout en pensant qu’il était aussi un doux rêveur. Il fallait une personne avec une vision et avec sa personnalité pour nous embarquer dans ce voyage. Pour driver la bande de loups fous que nous étions, il a fallu un « chef de meute » pour commencer à faire sortir des ornières la préhistoire du handball français. Nous y sommes arrivés en 1995 mais on échoue au pied du podium en 1996 aux JO d’Atlanta. Daniel a alors changé son mode de fonctionnement en laissant plus de place aux joueurs et en étant beaucoup plus participatif avec la génération suivante. Les « costauds » qui remportent le titre de champions du monde en 2001 ont eu beaucoup plus la parole que nous ! La remise en cause des managers a été la clé pour la réussite du handball français. Quel que soit son mode de management, il faut se remettre en question et l’adapter aux périodes, aux générations et à la maturité de son équipe. Claude Onesta, qui succède à Daniel en 2001, a suivi le même chemin. Il a d’abord cherché sa légitimité dans la technique en proposant des projets de jeu démontrant son « savoir », que les joueurs devaient appliquer de façon obéissante. Il s’est très vite aperçu qu’en sollicitant l’expertise et l’intelligence des joueurs, ces derniers se responsabilisaient et s’appropriaient le projet pour devenir beaucoup plus engagés dans sa mise en œuvre. C’est dans un mode ultra collaboratif qu’il est devenu le coach le plus titré de l’histoire de sport français. Quant à Olivier Krumbholtz (entraîneur de l’équipe féminine), il est également passé d’un mode très directif (champion du monde 2003) à un mode beaucoup plus participatif avec une génération de joueuses qui a refusé d’être « infantilisée » alors qu’elle avait des choses à dire ! Il est lui aussi devenu champion du monde (2017) et champion d’Europe (2018) en se remettant en cause.


Tu interviens souvent auprès des entreprises pour transmettre les valeurs du handball français qui ont permis cette exceptionnelle performance durable depuis 20 ans. C’est une source d’inspiration pour managers et dirigeants. Que fais-tu avec ces entreprises et quelles sont les valeurs que tu mets en avant ?

Tout d’abord, je suis profondément convaincu de la puissance des analogies entre le monde du sport et celui des entreprises. Avec les entreprises, je vais transmettre mes anecdotes et les expériences vécues pour les adapter à leur réalité, avec l’espoir que cela aide ceux qui entendent les messages à progresser individuellement et à se réaliser dans ce qu’ils font. Je propose également des ateliers de team building en mettant les participants sur un terrain de hand. L’objectif est de faciliter les échanges, développer la communication, le respect de la personne, leur faire vivre les étapes de construction d’un collectif performant… Et, bien sûr, de prendre du plaisir ! Sans plaisir, cela ne fonctionne pas. Il faut avoir envie d’être ensemble et de partager quelque chose. C’est fondamental pour s’inscrire dans un projet. Nous pouvons également décrypter en live de vrais matchs de handball. À partir d’un brief d’avant match où nous présentons les profils des deux coachs, nous commentons le match dans la salle en live, à l’aide d’oreillettes. Nous mettons le focus sur les comportements des coachs, leurs prises de décision, leurs interactions avec les joueurs, etc. Et nous débriefons la rencontre après le match pour établir des parallèles avec l’activité des participants et leur donner quelques trucs de coach pour débriefer une victoire ou une défaite.



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