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Miles FRYDMAN

Du plan stratégique au projet d'entreprise


L’observation des astres © Bibliothèque nationale de France

Des limites du plan stratégique


C’est un constat à présent universellement partagé, nous sommes pleinement entrés dans un monde incertain. Il nous arrive même d’avoir le sentiment de plonger dans l’inconnu, tant l’environnement économique et sociétal est complexe, changeant, insaisissable.


Dans ce contexte, parler de planification stratégique a des accents quasiment soviétiques, tant l’exercice peine à donner une illusion de stabilité. On ne s’étonnera pas de voir proliférer la notion de plan stratégique glissant.

Outre une obsolescence rapide, un plan stratégique présente une autre limite. Il porte sur la cible, sur les résultats attendus, autrement dit sur le « Quoi ».

En l’espèce, il répondra parfaitement aux attentes de la plupart des actionnaires de l’entreprise, qui escomptent – c’est bien normal – un certain rendement financier de leur investissement. Pour ce qui est des collaborateurs, l’orientation résultats ne suffit pas. Quand bien même elle s’impose dans le pilotage des indicateurs économiques incontournables de l’activité, elle a tendance à enfermer le collaborateur dans une solution prédéfinie et induit une faible marge de manœuvre. En résumé, un plan stratégique risque de placer les collaborateurs dans un horizon à la fois figé et fermé.


Dans un environnement imprévisible, les entreprises agiles seront les plus à mêmes de prospérer. Mais inutile de s’adonner aux incantations. La meilleure manière d’obtenir l’agilité de ses équipes est de chercher leur plein engagement.


Face à l’incertitude, la stratégie ne consiste donc plus tant en la définition d’objectifs, qu’en la capacité à :

1. Fixer un cap inspirant

2. Créer les conditions de l’engagement pour savoir tirer des bords


Fixer une ambition adossée à sa raison d’être

Les navigateurs ne s’y trompent guère. Le meilleur chemin vers une destination n’est pas forcément la ligne droite. En fonction de l’environnement, il faut savoir changer de cap, changer de direction et ainsi ajuster sa route. Or pour se guider, un point fixe est nécessaire. La fameuse étoile polaire à laquelle on se réfère sans cesse, et que l’on n’atteint pourtant jamais.

Le dirigeant doit donc aujourd’hui se doter d’au moins deux instruments stratégiques : l’ambition, qui joue ici le rôle du cap, et la raison d’être, qui matérialise l’étoile polaire, c’est-à-dire la permanence de l’entreprise par-delà les aléas que réserve l’avenir.

Toute la subtilité de l’exercice est d’obtenir un fort alignement entre ces deux objets de sorte à ce qu’ils sonnent justes. Les collaborateurs ont en eux un diapason interne qui en sera le juge de paix. Ils sont attachés à leur organisation comme à une personne – les juristes parlent de « personne morale » – et attendent plus ou moins consciemment que la vision qui leur est proposée reflète cette personnalité singulière dont il ont une intime compréhension. En d’autres termes, le cap de l’entreprise doit s’enraciner dans son ADN.


Connaître son marché demeure fondamental, mais se connaître soi devient le nouvel impératif stratégique.


Créer les conditions de l’engagement des parties prenantes, en particulier internes

L’orientation résultat permet au mieux d’obtenir l’adhésion des collaborateurs. Il suffit pour cela de convaincre, rationnellement. En revanche, obtenir l’engagement des collaborateurs nécessite une appropriation beaucoup plus profonde du projet que se donne l’entreprise, et c’est la condition d’atteinte de ce graal de l’agilité des équipes.


Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet en matière d’autonomie, de modes de collaboration, de qualité de vie au travail ou plutôt de qualité du travail… tant nous sommes en présence d’un changement de paradigme managérial.

Soulignons que si le cap doit s’ancrer dans la raison d’être, l’engagement s’obtient en aidant les collaborateurs à trouver leur raison d’en être. Il s’agit en effet pour les collaborateurs de prendre conscience de ce qui dans le projet de l’entreprise résonne le plus pour eux.

Les origines tayloriennes du management moderne ont habitué le manager à prescrire la place qui revient à chacun de ses collaborateurs. Or seul le collaborateur peut affirmer ce qui l’anime au plus profond, ce pour quoi il souhaite s’investir sans compter.


Du plan stratégique au projet d’entreprise

Le plan stratégique demeure sans doute un objet incontournable pour communiquer avec des actionnaires et piloter les différentes ressources de l’entreprise.


Dans un monde incertain, un projet d’entreprise est un complément essentiel pour donner de la perspective aux collaborateurs et faire appel à leur pleine contribution. Si un plan stratégique est orienté résultats, un projet d’entreprise déploie au travers d’une narration authentique les réponses aux questions que chacun se pose : Pourquoi ? Quoi ? Et Comment ?

Loin d’un simple objet de communication, le projet d’entreprise devient un authentique instrument stratégique que les dirigeants et leurs équipes auront à élaborer et à faire vivre ensemble.

On se prendrait à rêver d’une entreprise dans laquelle chacun :

· Adhère pleinement à la direction qu’emprunte son entreprise

· A pleinement trouvé sa place dans son projet d’avenir

· S’y investit d’autant plus


Elaborer un projet d’entreprise est un premier pas incontournable vers cet idéal.

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